Les Trois trésors - fondement de la vie

San Bao 三寶


Nous continuons donc à poser le cadre et ainsi définir les éléments primordiaux tant en terme de vocabulaire que de compréhension des principes fondamentaux de la pensée chinoise.

Dans la vision chinoise, il existe trois éléments constitutifs de tout être vivant et nous allons les développer ici. Il s’agit du Jing, du Qi et du Shen aussi appelés les Trois trésors (san bao).

Ces concepts sont bien évidement interdépendants (ils ne peuvent exister les uns sans les autres) et en constantes interactions (les uns avec les autres).

  • Jing 精

graine de pissenlit

Dans cet akène on retrouve la graine du pissenlit en devenir, on peut dire qu’elle contient le jing de la fleur pissenlit.

On peut le traduire par principe vitale ou essence (dans le sens de ce qui identifie le plus fondamentalement un être vivant) ou encore quintessence.

Le jing représente l’énergie substantielle qui est à l’origine de la matière, de la forme. Nous pouvons bien sûr faire un lien avec le code génétique mais il serait dommage de le réduire uniquement à cette dimension.

Dans l’univers, il pourrait s’agir de la matière de la terre, de sa masse. Pour les humains, il va être à l’origine du corps (à travers sa structure osseuse notamment), le Jing d’une graine donnera un végétal (plantes ou arbres de telles ou telles espèces en fonction de la graine), pour une pierre il lui donnera sa forme, sa densité.

On pourra distinguer deux types de Jing:

Le jing inné (issu du Ciel antérieur xiantian 先天 c’est à dire avant la naissance) hérité en partie du ciel et transmis par les parents (et à travers eux le jing des grands parents…) il est une source de croissance, sorte de potentiel encore non exprimée, sans forme (wuxing 蕪形)à l’origine de la formation et de l’individualisation de la personne.

Le jing acquis (issu du ciel postérieur houtian 後天 soit après la naissance) quant à lui est produit tout au long de la vie de la personne, il s’exprime dans les différents substrats corporels. On peut dire qu’il a une forme (youxing 有形)et qu’il va venir compléter et compenser (un peu) le jing inné.

  • Qi 氣

vapeur d'eau sur lac

Des trois trésors, ce doit être celui dont l’usage est le plus répandu, et paradoxalement, celui dont le sens est le plus difficilement définissable.

Au niveau de la graphie du caractère, on peut identifier 2 parties distinctes: le riz en bas et ce qu’on pourrait rapprocher de la vapeur en haut.

Nous obtenons donc l’idée de vapeur qui est émise lors de la cuisson du riz, ou bien ce qui émane de la terre pour former les nuages. Cette idée de transformation de la matière (ici de la nourriture) en vapeur, du passage de quelque chose de matériel à quelque chose d’immatériel, va progressivement s’étendre jusqu’à devenir un principe universel, omniprésent sorte d’élément invisible qui agit sur la création de toute chose. Il sera intégré à de nombreuses disciplines telles que les arts martiaux, la peinture, la calligraphie et bien sûr la médecine chinoise.

La traduction par Soulié de Morant du terme qi par énergie bien que réductrice et un peu vague va  finalement s’imposer.

Dans le cadre qui nous occupe ici (celui de la médecine chinoise), le qi regroupe des notions variées telles que le mouvement (des liquides, du sang), la transformation (de matière en énergie et inversement), le fonctionnement (du corps et de ses substrats), la communication (entre les organes par exemple).

A noter qu’en fonction de son rôle, de sa localisation, le qi aura des noms différents. Ex: Yingqi le qi nourricier en lien avec les substrats extraits des aliments et des boissons qui à travers le sang (les globules rouges) vient nourrir l’ensemble du corps.

Ou bien le Weiqi le qi défensif qui a la même origine que yingqi mais dont le rôle est de circuler  un peu plus en surface et de défendre le corps contre les « agressions » externes (les globules blancs).

  • Shen 神

dessin coloré de l'esprit

Concernant la graphie du caractère, on peut distinguer 2 parties, la partie de gauche fait référence à un autel en vue de rituels, de communication ou d’interprétation avec le monde des esprits (le Ciel). La partie de droite semble faire allusion à la fumée provenant d’un rituel ou encore d’un éclair, manifestation d’une divinité. Le caractère shen est traduit d’ailleurs par divinité, dieux ou encore esprit.

En médecine chinoise (ainsi que dans le taoïsme) le shen représente la conscience organisatrice, ce qui configure l’être humain (au sens de software pour l’informatique), l’activité mentale et spirituelle mais aussi la cohérence de la personnalité, l’intelligence (l’aptitude à comprendre, à s’adapter, et à pressentir les choses).

Lorsque le shen est fort, la personne est sereine, son discours est clair, sa voix posée.

En cas de déficience, on peut voir apparaitre un état dépressif, une diminution de la vitalité et de la capacité à récupérer, ou une incapacité à voir la réalité des choses.

On peut distinguer 5 aspects du shen:

  • Le Po, en lien avec le poumon, est la partie du shen la plus en lien avec le corps. Il va s’occuper des réflexes primaires du corps (succion, déglutition…), des manifestations de l’instinct de survie. Il ne dépend pas de la raison et ne nécessite pas d’intervention mentale.

  • Le Hun, en lien avec le foie, donne l’impulsion qui permet l’action, contrôle l’imagination et organise les projets de vie, la création d’un plan ou d’une stratégie.

  • Le Yi, en lien avec la rate, il s’agit de la partie la plus mentale, elle gère la mémorisation, la classification, la faculté d’apprentissage ainsi que la concentration, c’est aussi l’intention (ex: dans l’art martial Xing yi quan, la boxe de la forme et de l’intention).

  • Le Zhi, en lien avec les reins, correspond à la volonté, la détermination, il permet de mener les actions à leur terme sans se laisser distraire ou décourager, c’est aussi la force de caractère, l’affirmation de soi.

  • Le Shen, dans son sens le plus spécifique est en lien avec le coeur, comme on a pu l’évoquer plus haut, il coordonne le psychisme, assure la cohérence de la personnalité, gère les facultés en rapport avec l’intelligence.



Si on voulait résumer de façon très schématique les fonctions et les interactions des 3 trésors, on pourrait apparenter le jing à tous les éléments qui sont à l’origine de l’essence d’un être vivant (sorte de matrice), le shen représenterait le software (la sphère psycho-émotionnelle) et le qi le lien qui unit/anime le tout. La combinaison des 3 formant xing 形 la forme corporelle.

« Raffiner l’essence (jing) pour la transformer en qi.
Raffiner le qi pour le transformer en shen.
Raffiner le shen pour le transformer en Tao (faire retour/ rentrer dans le Tao). »
— Adage taoiste




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